mardi 26 mars 2019

La caisse à outils (1)

Indispensable à bord, la caisse à outils est l'objet de toutes les listes possibles, de toutes les inflations superfétatoires, de toutes les polémiques assassines et donc de toutes les dérives. Je vais donc ici apporter ma part au chaos et, malgré tout, essayer de proposer une réflexion au regard des exemples que je fournirai. Je ne parle pas ici des pièces détachées et des diverses fournitures qui feront l'objet d'un autre article.

La caisse à outils minimaliste

Si on est un marin un peu brutal, préoccupé uniquement de la marche du voilier (marche ou crève!) un simple couteau suffira. Je le choisirais équipé d'une lame, d'un démanilleur et d'un épissoir. Il sera porté à la ceinture dans son étui. Ne pas oublier de lui gréer un petit bout pour faciliter son dégainage et éventuellement pour l'assurer au poignet et éviter de le voir filer par-dessus bord à un moment délicat. C'est le minimum du minimum. Pas d'appareillage sans lui, même dans la simple idée de traverser la baie pour changer de bistrot. 

On fera face aux diverses pannes et avaries, qui ne manqueront pas de survenir, à l'aide du précité couteau, mais aussi à grands renforts de jurons, d'insultes (au bateau, aux autres, à soi-même, au dernier mécano qui a mis les pieds à bord...), de coups rageurs sur les équipements. Et peut-être, finalement, de philosophie car elle seule peut venir à bout des situations les plus désespérées. En apprenant à les accepter.

Ceci étant dit, un couteau tel que celui-ci peut beaucoup. Couper, trancher, vider (le poisson), visser, dévisser, tordre, façonner, maniller, démaniller, décapsuler, épisser, poinçonner, percer, marquer, curer, griffer...
Si on n'a pas suffisamment confiance dans les capacités de son couteau et dans ses compétences en philosophie, ou si tout simplement, on est trop attaché à l'existence pour la brader à vil prix, il pourrait être intéressant de s'équiper d'un minimum d'outillage. Ainsi, on pourra prolonger le voyage.

La caisse à outils de base pour la croisière côtière

Quelque soit le programme qu'on choisit, toujours avoir à l'esprit qu'à un moment donné, fatalement, il manquera l'Outil Indispensable: une clé spéciale, un poste à souder, un tour à fraiser, une grue. Ce manque est-il réel ou bien au contraire, nous invite-t'il à considérer une problématique sous un autre angle? L'expérience montre qu'en cas d’extrême urgence, on se découvre des capacités de résilience et d'imagination insoupçonnées. Dans le cas contraire, comme on l'a vu plus haut, la philosophie viendra alors combler le manque.

L'idée est ici de proposer une liste d'incontournables permettant de se sortir de la plupart des situations de panne et d'avarie rencontrées en mer lors d'une croisière côtière. On ne pourra pas pour autant prétendre tout réparer, d'ailleurs, le peut-on jamais? L'objectif recherché est de pouvoir faire face en toute autonomie, d'éviter de rester bloqué à une escale alors qu'on pourrait faire route avec une météo favorable.

Avec un matériel bien choisi et d'excellente qualité, avec des pièces détachées judicieuses, on peut faire beaucoup de route et résoudre bon nombre de problèmes. Après, il y a les rencontres aux escales qui permettent de gagner les compétences que l'on a pas encore, les "ingénieurs de ponton", les professionnels généreux qui expliquent leurs " trucs", les livres (il y en des très bons).

Une caisse à outils est en polypropylène. On évite ainsi l'aspect déprimant et rebutant d'une caisse métallique ayant subi les agressions salines. On évite aussi du coup les pincements barbares des doigts sur de la tôle rouillée, et quelques jurons, dans un coup de roulis. À ce sujet, les caisses à outils dotées d'une fermeture approximative sont à proscrire pour des raisons évidentes. On prendra soin, avant leur acquisition, de vérifier qu'elles vont trouver leur place à bord.
                                              
D'après la liste ci-dessous, donnée à titre d'exemple, on constatera qu'il faudra au moins deux caisses pour contenir le tout. Sans compter la visseuse. L'avantage sera d'avoir des caisses pas trop lourdes, surtout quand il faut les monter sur le pont. On se remerciera. On pourra les organiser de façon rationnelle et en disposer une sur chaque bord pour équilibrer les charges du bateau (si c'est un poids plume, il sera reconnaissant). Penser à les étiqueter à la Dymo pour indiquer les rubriques contenues dans chaque caisse permet de gagner du temps quand il n'y en a plus beaucoup.
 
Les outils de voilerie et de matelotage pourraient être dans une boîte à part avec tous les consommables qui vont avec: assignats, fil à voile, fil à surlier, patchs divers, garcette, etc. En général, son poids est négligeable.

La liste

Encore une fois, choisir des outils d'excellente qualité. Les économies sur ces produits se payent cher. Je parle ici de l'économie sur la qualité, pas sur le prix.  Le rapport de prix entre un excellent outillage neuf et un excellent outillage d'occasion peut s'élever à un facteur 4, voire plus. On trouve sur les sites de vente entre particuliers, sur les étals des vide-greniers et des puces de mer, parfois dans les poubelles de certains ports, des produits d'occasion d'une qualité irréprochable.

Lubrifier et graisser les articulations des pinces et des clés au moins une fois par an. La rouille adore prospérer surtout quand on l'oublie. Toujours essayer de réparer ses outils mais les débarquer sans pitié s'avère indispensable lorsqu'ils sont devenus hors service. Ils pourront peut-être vivre une nouvelle vie à l'atelier à terre, être transformés. Établir une liste des outils sur Excel peut être une excellente idée pour suivre ses inventaires d'une année sur l'autre. L'outillage fait partie intégrante de l'équipement de sécurité du bord. Il vous sauvera peut-être la vie plus d'une fois et, plus souvent, il soulagera l'équipage en lui permettant de résoudre la plupart des problèmes handicapants.


1) Les tournevis
  • Un tournevis plat de mécanicien avec écrou 6 pans 
  • Un tournevis cruciforme de mécanicien avec écrou 6 pans 
  • Un tournevis plat tom pouce 
  • Un tournevis cruciforme tom pouce 
  • Un jeu de 3 tournevis plats
  • Un jeu de 3 tournevis cruciformes
  • Un jeu de 3 tournevis pozidrive
  • Un jeu de 3 tournevis isolés d'électricien (dont 1 pour les dominos bien qu'aujourd'hui, il faudrait plutôt utiliser des connecteurs rapides type Wago - toujours étamer les extrémités des conducteurs)
  • Notes:  1- si on a des vis torx à bord (bien entendu, on complète la liste). 2- Penser à avoir toujours un petit morceau de patafix pour tenir les vis sur l'outil le temps de l'amener en position. Ça économise des crises de nerfs, et du temps. On peut choisir aussi des tournevis magnétiques sachant que sur la visserie inox ça ne fonctionne pas.
2) Les pinces
  • Une pince multiprise (avec cran de position - pince type Knipex Cobra)
  • Une pince coupante
  • Une pince à bec
  • Une tenaille russe
  • Une pince à cosses électriques
  • Une pince-étau
  • Une pince à rivets pop (ne pas oublier de la lubrifier)
3) Les clés 
  • Un jeu de 12 clés à pipe débouchées
  • Un jeu de 12 clés mixtes
  • Un jeu de 9 clés Allen
  • Une clé à molette ouverture 30 mm; longueur 150 mm
  • Une clé à molette ouverture 30 mm; longueur 250 mm
  • Notes: 1- Les jeux de clés à pipe et mixtes incluront la taille de la plus petite et de la plus grosse tête hexagonale du bord. 2- Les clés n°10, 13 et17 devraient être en double: étant très fréquentes d'utilisation, elles sont assez souvent perdues et abimées. 3- Les indications concernant les clés à molettes sont données uniquement à titre indicatif. Elles sont à adapter en fonction des besoins du bord. Les clés à molette serviront notamment aux réglages et autres opérations de maintenance sur le gréement.
4) Les marteaux
  • Massette 1 kg
  • Marteau de mécanicien 0,5 kg
  • Marteau d'électricien
  • Maillet anti-rebonds
5) Les scies
  • Scie égoïne
  • Scie à métaux 
  • Scie à guichet
  • Scie à métaux à monture courte
6) Les limes
  • Lime à bois demi-lune
  • Lime à métal demi-lune
7) Les appareils de mesure
  • Un mètre à ruban de 5 m
  • Un pied à coulisse
  • Un multimètre électrique (impérativement avec une pince ampèremétrique acceptant le courant continu ET alternatif)
8) Les outils de voilerie
  • Un découd vite
  • Une alène 
  • Un jeu d'aiguilles à voile
  • Une paire de ciseau
  • Un cutter
  • Un épissoir
  • Une aiguille à épisser
  • Un briquet
  • Une petite planche à découper en bois (pour la coupe de bouts à chaud)
  • Une paumelle 
9) Le perçage
  • Un vilebrequin à  cliquet 
  • Un jeu de forets à métal (les forets métal percent le bois, le contraire est aléatoire)
  • Une perceuse-visseuse (avec ces deux batteries)
  • Un coffret d'accessoires pour visseuse (avec embout magnétique) 
10) Divers
  • Une lampe à souder à gaz
  • Un briquet
  • Un pistolet à mastic
  • Un jeu de 4 serre-joints
  • Une baladeuse sans fil (magnétique de préférence) 
  • Un ciseau à bois
  • Une paire de ciseau
  • Un cutter

"La richesse n'est pas la quantité d'argent que l'on possède mais la façon dont on l'utilise"
- Paulo Coelho

                                                                                                                                                         


dimanche 24 mars 2019

Nuit noire

Août 1990.
Le temps s'est suspendu l'espace d'une ou deux interminables secondes, le temps pour le voilier de glisser silencieusement sur les quelques mètres le séparant du début de sa fin. Un bruit obscène a résonné dans la petite crique qu'une nuit d'encre avait envahie : le premier choc de la coque sur la roche sous-marine, le bruit d'un pied écrasant la cagette qu'on veut mettre au feu. Puis à nouveau un grand silence rompu par le son terrifiant du ressac qui allait bientôt faire son œuvre. Un désastre annoncé quelques jours plus tôt.

Nous avions quitté le port de Ouistreham huit jours auparavant pour une croisière aux îles anglo-normandes. Quatre personnes à bord : Franck, aspirant skipper, Florence, mon amie, Christian, un excellent collègue de travail et moi. J'avais convaincu Florence et Christian de se joindre à moi pour ce projet de croisière. Ils n'avaient jamais mis les pieds sur un voilier et en ce qui me concerne, mon niveau en voile était encore assez limité.

Nous étions tombé en panne depuis quelques jours. Un soir, le moteur refusa de démarrer à l'entrée du port de Saint-Hélier à Jersey. L'envie de se jeter quelques pintes derrière le col étant particulièrement impérieuse, nous avons tourné le dos à la mécanique récalcitrante et expédié un rapide accostage à la voile. Une fois amarré, nous avions jeté un vague coup d’œil perplexe dans la cale moteur, puis finalement, il fut convenu que le problème serait résolu par le mécanicien de Ouistreham. Nous avions ainsi économisé un temps précieux au profit d'une bonne soirée au pub et au fish & chips du coin.

Désormais, nous enchaînions à la voile  (et aussi au pied), avec virtuosité, les arrivées et les sorties de port, généreusement encouragés par les insultes de Franck qui, au dépend de nos susceptibilités, faisait ses premières armes comme skipper. Le temps était splendide, un régime de brise thermique s'était installé sur la Manche et les escales arrosées "so british" succédaient aux mouillages idylliques. Mes compagnons de route était ravis. En mon for intérieur, je rêvais déjà à une carrière de skipper.

Sur la route du retour, une belle brise d'Ouest associée à la marée montante nous permettait de passer sous spi le raz Blanchard, puis de doubler à la tombée de la nuit la Pointe de Barfleur. A ce train-là nous prévoyions de nous présenter trop tôt à l'entrée du port de Ouistreham, qui, à marée descendante, est défendue par un seuil. Afin d'attendre la marée favorable, il a été décidé que nous irions relâcher au mouillage dans une sorte de crique de l'Île Tatihou, à proximité de Saint-Vaast-la-Hougue. Ce qui fut fait.

Dans la nuit, le vent tourna sournoisement et la houle commença à rendre le mouillage très agité. Nous avons mis le nez dehors pour constater que l'arrière du voilier était maintenant dirigé vers la côte de l'île. Sombre nouvelle. Franck a alors décidé qu'il fallait lever l'ancre sur le champ et quitter le mouillage. Sans moteur, la manœuvre ne souffrirait aucune erreur: il n'y aurait pas de deuxième chance.

Nous étions vraiment près des récifs. Si on ne les voyait pas, le son très net du ressac révélait leur dangereuse proximité d'une façon fort déplaisante. L'idée était de se haler sur l'ancre, de la relever très rapidement à l'à pic en conservant suffisamment d'erre pour tirer un petit bord de près, puis virer et partir vers le large. Simple mais très risqué dans un mouchoir de poche, à fortiori en plein milieu d'une nuit sans lune. Les tâches furent rapidement distribuées à des cerveaux embrumés et à des mains inexpertes.

L'absence de réelle coordination accompagnée de nos incompétences réunies conduit tout d'abord Christian à remonter l'ancre trop tôt, puis Florence à envoyer la voile d'avant fatalement trop tard. Le temps que les filets d'eau accrochent, que le bateau prenne de la vitesse dans la bonne direction, il aura déjà abattu et sera envoyé directement sur les cailloux.

Stupéfait, je regarde faseyer le foc qui, en dernier recours, a été renvoyé sur le patara pour tenter de dégager la quille du piège de roche dans lequel elle est s'est logée. Pavillon blanc sur le noir de la nuit, la voile salue notre désastre. Ses écoutes s'emmêlent rageusement sous le vent. Manœuvre de la dernière chance, ratée pour cause d'absence de nœuds en huit aux extrémités des écoutes. Désespéré, en grande verve d'insultes, Franck hurle de ramener l'ancre sur l'arrière et de la lancer comme ancre de jet. En fait de jet, l'ancre décrit une courbe ridicule et plonge à moins de deux mètres du voilier. C'est fini.

Un deuxième craquement retentit dans la crique. La marée monte. Franck se précipite dans la cabine déjà envahie d'eau. Il envoie un mayday et nous gueule de rassembler nos affaires pour évacuer. Le ressac bouscule maintenant le bateau avec un violence incroyable. Nous sommes jetés sur le pont, on prend des coups insensés quand on se relève, on ne voit rien, on s'écrase les genoux sur les winchs, on s'écorche sur l'antidérapant en progressant avec nos sacs, la bôme balaye le pont menaçant les crânes. C'est la panique. Vite évacuer pour que ça s'arrête. On se jette à l'eau. Les rochers secs sont juste là. On est sauvés.

Assis sur le chemin de ronde du fort Vauban de l'Île de Tatihou, sans prononcer un mot, nous attendons les secours en grelottant. Le soleil s'est levé, éclairant le lieu du désastre. La crique est minuscule et jonchée de pierres noires acérées. Qu'est-ce-qu'on est venu faire ici en pleine nuit ? Je contemple, fasciné, les restes du voilier, un mât noir émergeant de l'eau. Florence pleure en silence. Christian se lève mécaniquement et s'éloigne. Il paraît en état de choc. Franck regarde la mer en serrant les dents.

Le canot de sauvetage de la SNSM est en approche. Une annexe est mise à l'eau. Cinq minutes plus tard nous sommes à bord de la vedette des sauveteurs. L'île maudite s'éloigne dans le sillage. On nous tend des mugs de café bouillant, des couvertures. On nous sourit gentiment. Les marins n'auront pas un mot de reproche une fois notre récit entendu. Ils ont juste insisté sur le fait que notre mouillage était vraiment mal pavé. On veut vite arriver, tourner cette page. Digérer.

Pour moi, la leçon portera pour toujours et a contribué à faire de moi un marin se méfiant de la terre et ne prenant jamais un mouillage, même un "vrai",  pour autre chose que ce qu'il est : un abri temporaire et toujours susceptible de devenir un piège. Et ce même si la topographie et la météo sont favorables. L'art du mouillage, malgré ses apparences de facilité, est certainement une des compétences les plus longues à acquérir. Au mouillage, on est toujours en mer.

"L'homme est comme un ange en danger" 
- (MC Solar)

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mardi 19 mars 2019

Le prolongement de ma main

Je me rappelle très bien ce moment magique où j'ai pris conscience que mon bateau était devenu le prolongement de ma main. C'était une fin de journée d'été, et j'arrivais au mouillage de l'anse du Salus (un mouillage de très beau temps) situé sur l'Île de Houat. Après avoir affalé le foc, je suis venu doucement face au vent. J'ai molli la drisse de grand-voile qui est tombée dans son lazy-bag.

Le voilier a parcouru encore quelques longueurs, puis s'est arrêté sur son erre. J'ai laissé rapidement filer la ligne de mouillage pour poser l'ancre sur le fond de sable. J'ai fait un tour mort avec le câblot que j'ai donné à la demande alors que le bateau culait. A la longueur voulue, j'ai frappé la ligne sur son taquet. La ligne s'est tendue, durcie, le bateau à lentement viré dans le lit du vent et s'est arrêté.

J'ai alors éprouvé, dans le silence qui répondait au ciel, la réponse d'un moment parfait. Un sentiment d'accomplissement simple, joyeux, positif. Sentiment d'unité avec les éléments mais aussi, et en particulier, avec ce voilier qui, de jour en jour, répondait à mes sollicitations de la plus docile des manières, jusqu'à cet instant où tout d'un coup, je prenais conscience du lien que j'avais créé avec lui, une sorte d'accord parfait.

Je n'avais rien fait de spécial pour atteindre cette plénitude à cet instant précis, mais j'ai compris ce jour-là que ce qui l'avait rendu possible était l'adéquation physique et mentale entre le bateau et moi-même. Entre mes décisions et les manœuvres qui en découlaient. Entre mes envies et les conditions de navigation. Entre moi et un environnement marin particulier.

Avec l'expérience, je m'aperçois que cet accord parfait ne va pas toujours de soi. En discutant avec d'autres voileux, leurs témoignages, comme le mien, me montrent qu'effectivement, les choses se passent parfois dans une certaine douleur et que certains voiliers sont plus difficiles à "apprendre" que d'autres. Les essais des revues nautiques n'ont rien à voir là-dedans, aussi objectifs peuvent-ils être.

On dit souvent que ce qui détermine le choix d'un bateau, c'est le programme qu'on se propose de suivre. C'est très juste et c'est absolument essentiel. Il ne sert à rien de faire l'acquisition d'un 420 en s'imaginant pouvoir faire de la navigation hauturière. Par contre, moyennant une préparation sérieuse de ce type de dériveur (et du marin), un tour de Corse en été par exemple, est tout à fait envisageable.

Tout commence toujours par un désir, puis une volonté. On définit un programme, un voyage, une destination, une période de l'année. Ces éléments vont conduire à envisager de choisir le vaisseau de ce désir originel. Et il est toujours difficile, dans ces moments-là, de garder les pieds sur terre.

La réponse est en nous. Quelles sont mes propres compétences? Maritimes, techniques, physiques et mentales. Aucun choix sérieux ne peut faire l'économie de s'interroger sur soi-même. Écrire ses interrogations peut permettre de les cerner et d'y répondre en toute honnêteté, hors du confort grisant du bistrot du club nautique.

La formule pourrait être : le Désir (qui naît d'un rêve), la Réflexion (issue de l'introspection), la Décision (provenant d'un choix), l'Armement (qui suit l'acquisition). C'est cette démarche personnelle qui ne laisse aucune part à l'ombre qui va conduire à la réussite du projet nautique, quel qu'il soit. Cependant, rien ne devrait empêcher de se mettre la barre au-dessus de soi. En toute conscience. En toute indépendance. C'est ce qui permet d'avancer, de se dépasser et de vivre des choses qui font battre le cœur.


Alors et ensuite, il faudra apprivoiser l'oiseau du large, apprendre ses possibilités, ses limites. Lui parler et surtout l'écouter. Et lui répondre. S'entraîner à la manœuvre avec lui sans relâche, faire corps avec lui. Le soigner de préférence avant qu'il ne se blesse et le faire après, en lui demandant pardon, car s'il est blessé, c'est souvent à cause du marin. L'oiseau du large est aussi parfois un tigre qu'il faut aussi apprivoiser et surtout dompter. Ne jamais oublier que ses forces sont souvent bien supérieures aux nôtres. C'est grâce à elles qu'il pourra nous emmener de l'autre côté de l'horizon. Raison de plus pour s'affûter.

Alors, on pourra appareiller et rêver les yeux grands ouverts.


"L'effort qu'on fait pour être heureux n'est jamais perdu" 
- (Alain)