samedi 11 mai 2019

Dernier appareillage

Quand il sera temps de partir
Je te le demande, mon Soleil,
De m'aider à larguer une dernière fois
Les blanches amarres.
Qu'elles glissent lentement de mes mains
Et leur impriment la dernière caresse de Gaïa.
Son souffle chaud de bois et de terre mouillée
Me parviendra longtemps encore
Après que j'aurai laissé le quai et mes amours
Derrière l'horizon.

Quand il sera ce temps,
Je serai prêt depuis toujours
À te rejoindre et à me blottir
Dans tes doux rayons, mon Soleil,
À te rejoindre à jamais.
Me conduiras-tu alors vers les immensités
De tes océans éternels où
Les tempêtes de la Vie ne sont qu'un jeu
Une joie,
Une union,
Que viennent célébrer
Toutes les forces de la nouvelle Terre ?

Puisqu'il est venu le temps que
J'attendais, celui que tu m'avais annoncé,
Je veux enfin m'évanouir dans
Cette brise qui vient de la côte
Chargée de tous les parfums,
De tous les charmes,
De celle qui porte les miens.
Que dans mon cœur, mon Soleil, montent
La reconnaissance et la gratitude.
Je veux en toi me diluer sans délai.
Ma volonté devenir tienne.
Et je glisse sur l'onde marine
Qui déroule son velours sous la carène
De celui que j'ai choisi pour
M'accompagner dans le dernier voyage
D'un marin que la mer a tant aimé.



Les enrochements de la jetée
Sont à mon épaule droite.
Déjà, je prépare le dernier virement
De cette vie qui fut si dure et si douce.
Tes ailes s'agitent brièvement
Mon bel oiseau, dans l'Ordre parfait
Des lois de la nature et ton étrave pointe
Vers le port de toutes mes attentes, de
Toutes mes questions et de
Toutes tes réponses.
Peut-être.

Et tes baisers, mon Soleil, sont ceux de
La mère à l'enfant
Aux paupières si lourdes,
Si pleines de ta lumière,
De tes champs,
Et de tes embruns frais.
Je m'assois sur le banc tiède
Et je saisis la barre de celui
Qu'à présent tu gouvernes.
Tous mes gestes sont désormais,
Les Tiens.

Le peu de glace qui persistait
À enserrer mon cœur, fond
Dans mes yeux
Que brûle déjà la ligne
Si bleue, si bleue, si bleue,
Si douloureuse de ta promesse,
Mon Soleil.

Garitt Kerarmoor

mercredi 8 mai 2019

Mon Ulysse

Dans son berceau de brume
L'homme aux mille tours
Rêve de Pénélope
Tandis que son vaisseau court sur l'écume de la mer infinie
L'éclat du parfum de sa bien-aimée l'éveille au jour déjà haut
Sur le bleu étourdissant
De la Mer Égée
M"emmèneras-tu mon doux marin
Vers les antiques rivages qui ont sculpté ton âme de poète?
Je brûle que tu te saisisses enfin de mon cœur
Il t'est offert
Mais tu regardes
Ailleurs, dans les replis de ton esprit où sont tapis
Tous les empêchements de Gaïa
Et aussi tous ses sortilèges
Vois mes yeux, qui déjà, te dévorent pour ta joie
Celle à laquelle tu renonces à chaque souffle
Pour fuir vers le couchant
Vers les terribles colonnes d'Hercule
Elles te broieront bien avant que je ne t'aurai mangé
Mon joli poète
















Ne te perds pas sur les roches acérées de Gibraltar
Ma tristesse noierait le monde pour le plus grand malheur des hommes
Jamais alors n’apparaîtrait la gloire d'Homère
Et toi mon Ulysse que deviendrais-tu?
Alors me reviens vite mon ange, mon tendre époux
Bâtir les arcanes de demain
Le temple d’aujourd’hui
Car sous ses piles de marbre
Nous célébrerons l'amour de nos corps enfiévrés.

De son berceau de brume, l'homme aux mille tours
S'éveille au bleu roi du ciel si haut là-haut
Et se souvient d'un rêve si beau,
D'un insaisissable et familier parfum
A poursuivre, à enfin un jour capturer, peut-être.
Pauvre Ulysse.

Garitt Kerarmoor